Le mindset CRO : déclarer la guerre aux certitudes.

Publié le 12 octobre 2022 | Pierre Losson

Comment aborder et défendre une stratégie CRO qui crée du revenu et des apprentissages en continu ? — Spoiler alert, le trafic E-commerce au cœur de votre stratégie CRO possède au moins deux particularités :

Il est hautement contextuel. Les outils de mesure les plus simples différentient déjà vos utilisateurs selon une granularité qui donne le vertige.

Il est profondément irrégulier. Si vous n’êtes pas capable de faire réagir vos utilisateurs dès leur première visite, les chances de les revoir rapidement sont proches de zéro.

comprendre le mindset des stratégies d'optimisation de la conversion

Au beau milieu de cet océan d’incertitudes, vous cherchez à tirer le meilleur parti de ces utilisateurs à savoir...

  • réduire le coût : le temps et les efforts consentis à transformer vos utilisateurs en clients.
  • découvrir des leviers de croissance pour maximiser votre revenu.

Alors par réflexe, vous définissez des macro et micro-conversions, construisez un tunnel et des rapports par page d’atterrissage, par source, par type d'audience, par gamme de produit…

...seulement plus vous regardez ces dashboards virtuels –moins vous pensez aux utilisateurs réels, les individus derrière ces chiffres.

Chercher à comprendre les intentions, les exigences, les problèmes, et les préoccupations de vos utilisateurs, c’est le moyen d’éviter 3 grands écueils en CRO :

1. Le piège des vanity metrics : comment éviter de remplir un seau percé

Taux de rebond, taux de sortie, % de scroll.. les métriques que proposent vos outils d’analyse offrent une perspective intéressante sur vos efforts de conversion mais qui reste générique :

D’une part, parce que ce sont des moyennes sans écart-type : un taux de scroll moyen de 40% n’est peut-être jamais réellement atteint dans une seule session mais le fruit d’une forte dispersion des comportements.

D’autre part, parce qu’elles ne donnent pas d’indice sur les motivations et frustrations que rencontrent vos utilisateurs.

Par exemple, vous observez un taux de sortie anormalement élevé. Que peuvent se dire vos utilisateurs ?

  • “Il n’a pas compris mon problème ?”
  • “Il a compris mon problème, mais je ne crois pas que ses produits puissent le résoudre ?”
  • “Il a compris mon problème et ses produits sont pertinents, mais pas dans ma situation particulière ?”
  • “Il a compris mon problème et ses produits sont pertinents pour moi, mais restent plus chers qu’une alternative A.”
  • Etc.

Ce qui nuit à votre conversion, ce sont les questions restées sans réponses : vous risquez d’investir votre énergie dans des best-practices pour résoudre un problème que vous n’avez pas et ne jamais prioriser les problèmes critiques de votre parcours de conversion.

Pour tenter d'y répondre, il est important de ramener du concret dans vos indicateurs : passez aux real-metrics. Il suffit de les affiner, les comparer et suivre leurs évolutions.

Qu'importe le segment d'audience, la référence produit, le canal source, l'appareil, la durée...? N'acceptez plus une métrique "wahou" si elle n'est pas reproduite quand on la filtre.

2. La déconnexion : comment éviter de perdre le 'pourquoi' ?

OK celui-là, on vous l'a déjà rabâché mais aujourd'hui ça va faire tilt... Dans Start With Why, Simon Sinek décrit les clés d’un achat et de la fidélité client : People don’t buy what you do; they buy why you do it.”

Ce Why, c’est votre intention à vous, pour vos utilisateurs. Elle justifie la cohérence de votre expérience.

(C’est aussi la raison pour laquelle vous n’allez pas changer tous les CTA en orange fluo ou designer vos pages comme sur Amazon, même si c'est prouvé que ça marche.)

Un exemple concret et ultra-répandu de cette absence de “Why”, ce sont les boutons de partage de vos pages produit sur les réseaux sociaux.

Boutons de partage sur les réseaux sociaux sur un thème Shopify

Avez-vous établi pourquoi vos utilisateurs seraient-ils motivés à partager votre produit sur les réseaux sociaux à l'endroit même où vous leur demandez d'ajouter votre article au panier ?

  • Parce que votre produit est si novateur que —le partager fait de moi quelqu’un avant-gardiste auprès de ma communauté ?
  • Parce que le rapport coût (i.e spammer mes amis) vs. bénéfice (ie. profiter d'une offre exclusive) est suffisament intéressant ?
  • Parce que le produit répond au problème d'un ami en particulier ?
  • Etc.

Testez ces hypothèses : observez le nombre de partages obtenus en proposant tour à tour une offre exlcusive, un claim novateur et un texte d'accroche avec votre USP pré-rédigés... des scénarios qui facilitent l'engagement en faveur des intentions auxquelles vous pensez...

Obtenez-vous un nombre de partages qui justifie de diminuer l'attention portée à votre CTA principal ?

Si c'est non, essayez de l'enlever.

La démarche CRO recentre votre analyse sur deux objets essentiels, les freins et la friction.

Analyse des freins : plutôt que d’apporter des modifications basées sur l’opinion générale ou des métriques partielles, plongez dans l’analyse du comportement des utilisateur pour trouver les plus grands obstacles à la conversion.

Analyse de la friction : en principe toute fonctionnalité dénuée d’intention est à bannir. Si vous pensez qu’elle n’apporte pas de valeur, elle peut aussi générer de la frustration, des clics perdus, des étapes en trop ou de la dispersion.

3. Le danger de l'inertie : comment conserver une bonne vélocité ?

Dans une étude menée sur 5000 tests d'optimisation de la conversion auprès de ses clients, l'agence américaine CROmetrics a démontré qu'il n'y avait aucune relation entre la complexité de mise en place de ces expériences et le revenu réel ou projeté qu'elles ont permis de générer.

CROmetrics a démontré que l'effort d'implémentation de test n'est pas lié à leur perspectives de gains

De nombreux experts CRO traduisent le succès (S) d'une campagne de tests par l'équation S = W x E x V

  • W pour win-rate, le pourcentage de résultats de tests qui démontre un uplift, une augmentation positive et significative de la métrique que vous observez, par rapport à sa version de contrôle sans modification.
  • E pour l'effet observé, l'amplitude de résultat. Par exemple, une baisse de l'abandon panier de 10%, une augmentation du panier moyen de 8.5%, etc.
  • V sera votre vélocité, le nombre de tests que vous avez été capable de lancer dans une période donnée (un sprint pour les plus agiles, sinon en deux semaines ou un mois...).

La vélocité, c'est le facteur sur lequel vous avez le plus de contrôle direct.

Interrogez votre capacité à déployer une série d'expériences et prioriser celles qui donneront le plus vite un résultat : ROI ou apprentissage.

Les freins à la vélocité peuvent être plus ou moins importants selon la taille et la culture de votre organisation. Néanmoins, parmi les clés pour faire la différence :

  • Utilisez un framework. Une séquence d'étapes qui structure votre recherche, fixe une direction, garantit la qualité de vos hypothèses et la fiabilité de vos tests.
  • Définissez la sous-performance : au bout de combien de jours un test qui n'a pas démontré d'uplift doit-il être stoppé ?
  • Plutôt que de projeter votre équipe ou vos parties prenantes dans un objectif de ROI, crééez la dynamique : ce mois-ci, on met tout en œuvre pour doubler le rythme de tests. Vous ferez émmerger des freins internes essentiels à adresser.
  • Publiez une release note avec vos résultats. Un apprentissage est un succès même s'il est issu d'un test négatif. Courte mais systématique : c'est votre meilleur arme contre une baisse de vélocité.

Chaque jour qui passe sans qu'un test ne soit en place représente un coût, l'opportunité manquée de créer l'apprentissage ou le revenu. Le meilleur moyen d'optimiser cette dépense est de gagner en vélocité. Moins votre site a de trafic, plus ce rapport est important.

Ce qu'il faut retenir

Vous l’aurez compris, le mindset CRO c’est de l’humilité en barre. Il invite à dépasser son opinion subjective pour voir à travers les yeux de vos utilisateurs.

Vous construisez un vaisseau pour naviguer sur un océan d’incertidues : il faut garder un cap fort à travers le why, qui permettra une remise en question saine de vos expériences, selon la mission de votre organisation.

En plus des idées pour améliorer votre performance, cherchez aussi celles qui vous permettent de tester plus rapidement.

Gardez en tête que sur la durée, des résultats moyens sapent la crédibilité de votre programme CRO et suscitent le désintérêt de vos parties prenantes.

C’est donc aussi un exercice de com’ aucours duquel chercherez à étendre la portée de vos découvertes aux préoccupations de toute l’organisation.